Mokocanion, la cuisson sur le feu - partie 2

« Heureusement, le feu ajoute à la nourriture. Je vous le promets. Le feu ajoute de la saveur, du caractère et de l'attitude. Cuisiner avec le feu signifie que vous devenez plus conscient en tant que cuisinier. Il faut maîtriser deux choses vivantes : le feu et l'ingrédient. » 

- Niklas Ekstedt, Ekstedt the Nordic Art of Analog Cooking

(Pour voir la partie I de cette série, cliquez ici.)

La fin de journée annonçait une soirée fraîche dans les forêts denses du nord de l’Ontario alors que nous atteignions enfin un site de campement après une journée interminable de canot sous une pluie battante. L’odeur terreuse de la mousse envahissait nos narines, tandis que les rayons d’un soleil en fin de course se reflétaient sur les gouttes d’eau perlant sur les fougères. Le clapotis régulier de la pluie sur le lac et les murmures feutrés du vent dans les grands pins créaient un bruit de fond avec lequel nous devrions passer la nuit. Nous avons accosté avec prudence sur les rochers glissant de la berge et mis rapidement le canot en sûreté pour la nuit. Transis, nous avons enfilé des vêtements secs, non sans avoir monté la bâche et installé notre coin cuisine au préalable. Nous avons rapidement déployé une corde à linge traversant la bâche et parti un feu sur le petit poêle à bois. Enfin, nous nous sommes installés autour et avons commencé la préparation du souper. Les muscles endoloris, mais le cœur réchauffé par la chaleur du petit poêle, nous avons mangé un réconfortant chili. L’air frais et humide portait avec lui la promesse d’une nuit de repos bien mérité.

Si nous préférons cuisiner sur un foyer de cuisson traditionnel en pierres à trois côtés, ce n’est pas toujours pratique ni même souhaitable, selon les conditions, les règlements, les interdictions de feu, les ressources disponibles et la pression humaine sur l’environnement. C’est pourquoi j’ai toujours un poêle à bois en métal utilisant moins de ressources et pouvant aussi accueillir un système de cuisson de dépannage alternatif, comme un réchaud à l’alcool.

Dès le début des années 90, je me suis procuré la boîte à feu conçu par Bill Mason et vendu par Wally Shaber dans sa boutique Trail Head, à Ottawa. Ce poêle a agrémenté plusieurs soirées lorsque mes enfants étaient petits. Il avait l’avantage de consommer moins de bois et de ne laisser aucune trace. Mais il était très lourd, se déformait sous la chaleur et il rouillait à vue d’œil. Depuis, j’en ai essayé plusieurs autres. Il est à noter que je n’ai aucune affiliation avec ces marques. J’ai acheté tous ces poêles au cours des années.

Je partage ici, mes expériences avec ces différents poêles à bois.

Le Firebox 5'' Original .

En plus de ses casseroles et instruments de cuisine fonctionnels et polyvalents, Firebox Stoves offre plusieurs poêles à bois où chacun peut recevoir des systèmes alternatifs comme un réchaud à l’alcool, des granules, du charbon, des combustibles solides et maintenant, un réchaud à l’isobutane qui vient avec un diffuseur permettant des cuissons sophistiquées d’intensité variable.

J’ai, depuis plus de trois ans, leur poêle qui a fait leur réputation, le Firebox 5'' Original, une merveille de robustesse, de simplicité et de polyvalence. Il utilise encore moins de bois que le poêle de Bill Mason. Le poêle se range à plat et prend peu de place dans notre sac à dos ou notre wannigan, mais n’a pas besoin d’être assemblé puisqu’il est conçu avec des pentures très robustes. On a qu’à le déplier et rabattre le fond du poêle. L’acier inoxydable est conçu pour ne pas tordre, ni rouiller, la ventilation est étudiée pour contrer le vent, créer de la turbulence, des appels d’air passif et une combustion secondaire. On peut placer une grille sur le côté qui sert de tablette permettant de garder les légumes au chaud pendant que le reste du repas cuit sur le feu ou même de faire une cuisson de viande par la technique de cuisson indirecte (reverse seared).

En installant les petites barres à feu en X en guise de support au-dessus du foyer, on peut placer un « bush pot » à l’horizontale et s’en servir comme four pour préparer la banique, des muffins, ou des biscuits.

Outre faire bouillir de l’eau, cuire des pâtes et du riz ou réhydrater un chili fait maison, le Firebox 5'' permet une très grande variété de cuisson : bouillir, à l’étouffée, à la vapeur, griller, poêler, frire et même cuire au four. Toutefois, pour un repas complet d’ingrédients frais, cela demande un peu de créativité et d’ingéniosité. Bien que, contrairement à bien d’autres réchauds à brindilles, on peut le remplir d’une bonne charge de bois, la surface de cuisson est petite en comparaison avec un foyer primitif.

En guise d’expérimentation et pour pousser au maximum les capacités de ce poêle, j’ai cuisiné un repas pour plus de deux personnes, plus complexe que ce que l’on fait en voyage par canot. Voici le défi que je me suis donné :

Cuire un bifteck de faux-filet (Ribeye steak) par cuisson indirecte, des pommes de terre, des poivrons, des brocolis et des crevettes. Je voulais qu’une fois les légumes et les crevettes soient cuits, faire revenir le tout dans le beurre et terminer la cuisson du steak par une grillade de surface directement sur la braise. Il fallait que tout reste chaud alors que chaque ingrédient avait son tour sur le feu.

J’ai commencé par mettre le bifteck sur la grille en position tablette latérale et alterner les positions pour exposer chaque surface à la chaleur indirecte. Une fois que la cuisson de la viande fut bien amorcée, j’ai fait cuire les pommes de terre dans un peu d’eau et je les ai retirées du feu avant qu’elles ne soient trop molles. Je les ai gardées au chaud en plaçant l’assiette de métal au-dessus de l’espace de cuisson du steak, pendant que les crevettes cuisaient. Une fois ces dernières cuites, je les ai mises dans un petit bol Thermos que je traîne dans mon wannigan. Il me sert souvent à réhydrater des sauces, de l’humus ou des légumes en y ajoutant de l’eau bouillante. Là j’y ai déposé les crevettes cuites et elles sont restées bien chaudes pendant que je terminais la cuisson des autres composantes. J’ai terminé en faisant revenir au poêlon, les légumes avec les pommes de terre, puis en plaçant le steak sur la grille directement sur la braise.

J’ai très bien réussi mon défi, non sans me demander par moment s’il ne faudrait pas finalement commander une pizza! C’est définitivement plus difficile que sur un feu traditionnel. Ça demande une attention constante et un peu d’acrobatie avec les plats. Après coup j’ai pensé qu’il aurait été plus facile de garder les légumes au chaud en les plaçant dans le four à réflexion placé contre le côté du poêle. Dans le cas où je n’aurais pas le four, j’aurais pu utiliser une marmite (un «bush pot») placée sur le côté avec l’ouverture contre le poêle, en guise de chauffe-plats.

Conclusion du Firebox 5’’ Original après trois ans d’essai :

Le Firebox 5'' Original est une excellente alternative si on ne veut pas cuisiner sur le grand feu traditionnel. Il génère beaucoup de chaleur avec un minimum de bois, mettant à profit son design trapézoïdal pour créer de la turbulence et une ventilation croisée. Le registre d’évacuation à charnière permet aux flammes de sortir tout en les gardant toujours en contact avec la casserole ou la marmite. Il est très stable, robuste, ne rouille pas, ne se tord pas sous la chaleur et il est très polyvalent. Comme mentionné plus haut, on peut l’utiliser aussi avec un réchaud à l’alcool et même avec un réchaud à l’isobutane. Firebox Stoves en fait un qui vient avec une plaque à diffusion permettant des cuissons précises à feu très doux, ce qui est généralement très difficile à faire avec ce genre de réchaud plutôt conçu pour faire bouillir de l’eau le plus rapidement possible. Par contre, il est dispendieux (129 $ CA avec les accessoires si on le commande d’un distributeur canadien) et un peu lourd (1,2 kg). Firebox Stoves offre aussi une version en titane, mais là, sortez votre porte-monnaie (150 $ US sans les accessoires + le transport et la douane). 

Alternatives moins chers

Le Solo Stove (lui même une copie exacte du Bushuddy inventé par un artisan du Yukon, mais qui n'avait pas daigner enregistrer son invention) et les nombreux clones chinois de réchaud à double combustion. Ces réchauds sont légers et efficaces pour faire bouillir de l’eau. Par contre je ne les aime pas parce qu’ils ne sont pas assez polyvalents et qu’il faut les alimenter constamment en brindilles de bois. C’est une job à temps plein!

Le Pack Stove de Simple Theory Gear (STG) est un petit poêle d’acier inoxydable, plus léger que le Firebox 5’’, mais tout aussi robuste et efficace, permettant de la cuisson sur braise et accueillant un réchaud à l’alcool. Yves et moi l’avions comme système d’urgence lors de notre premier voyage à Quetico. Malheureusement, si vous n’êtes pas comme Yves et que nous n’avez pas la chance d’avoir un ami qui s’en départis, il est maintenant presque impossible à trouver. Simple Theory Gear a cessé de le produire pendant la pandémie. Cette petite compagnie familiale est revenue sur le marché avec des produits allume-feu dans l’espoir de se refaire une santé financière et reprendre la production de cette petite merveille. Il a néanmoins le défaut d'avoir une base assez étroite alors si on y dépose une marmite plus grosse, il peut être versant. 

Le Scout de Firebox Stoves est un petit poêle léger et polyvalent qui, dans mon cas, a remplacé le STG Pack Stove. Il est encore plus léger, a une très bonne capacité de chargement, coûte moins cher que le Pack Stove coûtait et permet un plus grand nombre d’options. Il est très efficace en faisant bouillir 500 ml d’eau en 3 minutes. Il pourrait devenir mon poêle d’urgence quand je planifie cuisinier principalement sur le feu traditionnel. Par contre j’ai remarqué qu’il développe un peu de rouille de surface (facile à nettoyer) lorsqu’il n’est pas tout à fait sec au moment de le ranger. Fait d’un matériel plus mince, il n’est pas aussi robuste que le G2 ou le Pack Stove, mais il est néanmoins suffisamment résistant pour fonctionner très longtemps.

Firebox Stoves offre aussi deux autres poêles. Le Firebox Nano, un poêle minimaliste pliable, plus petit et léger que le Firebox 5'' Original . Il est principalement conçu pour fonctionner avec un réchaud à l'alcool et occasionnellement avec du bois. Puis, récemment Steeve, le propriétaire de Firebox Stoves, a conçu le Firebox Freestyle. C'est un amalgame du 5″ Original et du 3″ Nano en termes de taille, de forme et de fonction. Le Freestyle n'est pas aussi petit ou léger que le Nano et il n'est pas aussi résistant que le 5″ Original , mais il a un atout révolutionnaire dans sa manche. Il est modulaire ! Il s'agit d'un Nano avec des côtés de 4'' pouvant se réduire à un réchaud à 3 côtés ou s'extansionner jusqu'à un octogone avec des côtés de 7 ou 10'', et même à un grand rectangle de cuisson de 12''. 

Il existe une multitude d’autres réchauds à brindille sur le marché en ligne, surtout des copies chinoises, souvent à moindre coût que les produits Firebox Stoves. Ils sont moins polyvalents et de qualité très variable, mais si vous êtes à l’aise d’acheter des imitations chinoises et votre besoin est de faire bouillir de l’eau, il est possible d’en trouver un bon, à prix modique.

Il existe aussi plusieurs vidéos YouTube de patenteux qui s’en fabriquent dont la vidéo ci-dessous d'un poêle fait à partir d'un porte ustensiles Ikea.

J’ai un ami qui m’a d’ailleurs envoyé un lien vers un plan si quelqu’un veut s’en fabriquer un dans des plaques de tôle.

Les poêles, boîtes à feu et réchauds à brindilles sont par contre, très rarement offerts dans les boutiques de plein air. Ces derniers préfèrent probablement offrir des réchauds qui dépendent de combustibles à base de pétrole (naphta, propane, isobutane) qu'ils se font un plaisir de nous vendre. Ces réchauds simple d'utilisation sont plus en accord avec le plein air moderne de haute performance venant de la culture alpine que l’on retrouve dans les parcs nationaux et dans l’industrie récréotouristique. Je ressors toujours estomaqué de la quantité d’objets et de pièces d’équipement fait à base de plastique et de l’industrie pétrochimique, les deux pires produits à l’origine de la perte de biodiversité et des changements climatiques, pour justement aller célébrer la nature… Mais ça, c’est une autre histoire.

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