Raconteur de liens : humanité, territoire et vivant
Une démarche d’écrivain-reporter : entre récit, exploration et regard engagé - pour un journalisme littéraire immersif.
Texte : Marc-André Pauzé. Photographies: M-A Pauzé/N. Sentenne
«Écrire sur le terrain, écrire avec le terrain. Un carnet ouvert, le souffle du vent, une théière sur le feu. Ce moment, capté sur le porche d’une cabane de rondins, incarne la manière dont je vis le reportage : à hauteur d’humanité, au rythme du territoire.»
- Extrait de mon carnet de terrain
Raconter, c’est relier : les lieux aux mémoires, les humains à leurs gestes, et moi-même aux territoires que j’explore. Mon écriture s’ancre dans le réel, mais s’autorise le regard, le ressenti, le vécu. Dans des projets comme Notcimik, je ne me contente pas d’observer : je marche, j’écoute, je m’inscris dans le paysage.
Ma plume, comme mes images, cherche à témoigner du monde en mouvement — qu’il soit humain, naturel ou habité — avec la rigueur du journaliste et la sensibilité de celui qui voyage pour comprendre.
Explorer, comprendre, raconter : mon chemin vers un journalisme littéraire immersif et la littérature naturaliste.
Mon travail est né de trois mots simples, mais puissants : Explorer. Comprendre. Raconter.
Ce sont les principes qui m’ont guidé depuis le début de mon parcours, à la croisée des chemins entre le journalisme et l’écriture, entre l’immersion et la narration, entre le réel et l’émotion.
En tant qu’écrivain-reporter visuel, j’embrasse un journalisme qui ne se contente pas de décrire, mais qui cherche à raconter des histoires. Des récits qui se nourrissent de l’immédiateté de l’expérience vécue, et qui plongent le lecteur dans un monde en mouvement. Mon approche cherche à explorer l’humain et le territoire, à comprendre ce qui fait sens dans nos vies et dans nos sociétés, et à raconter cette expérience de manière immersive et sensible.
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Du reportage à la narration immersive.
Je n’ai pas commencé à écrire dans une salle de rédaction, mais dans un petit hôtel de Madagascar, en envoyant des courriels de voyage, maladroits mais sincères. Mon entrée dans le journalisme s’est faite par l’image : le photojournalisme, avec ses légendes structurées et la rigueur du reportage classique. L’écriture est venue plus tard, tiraillé entre récit de terrain et journalisme traditionnel.
C’est après la publication du livre Regards croisés, de l’Arctique à l’Afghanistan que j’ai commencé à assumer une écriture plus libre, plus incarnée. Et ce sont mes récentes collaborations au magazine L’actualité qui m’ont permis de mesurer la force de cette écriture immersive dans un cadre journalistique. Mon style s’est précisé, entre subjectivité assumée et rigueur documentaire — car même lorsque je raconte au “je”, les faits, eux, restent vérifiés.
Dans cette démarche, chaque sujet devient une histoire à raconter, un récit vivant et dynamique. Plutôt que de relater froidement les événements, je les humanise, leur donne une dimension émotionnelle et sensorielle. Je suis à la fois témoin et narrateur, ce qui me permet de poser des questions profondes, mais aussi de relater des moments d’intimité, de doutes, d’émerveillements.
En étant là, avec mes mots et mes images, je cherche à capter l’essence de ce que je vis et ce que je rencontre. Et, au final, je veux que mes récits touchent, qu’ils fassent sentir le monde de l’intérieur.
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Écrire avec les yeux
Ce qui caractérise mon travail, c’est l’alliance de l’écriture et de l’image. Mon regard sur le monde n’est pas limité à l’écriture seule : je photographie, je dessine, je croque. Cela me permet d’illustrer mes récits avec des détails visuels et sensoriels que, parfois, les mots seuls ne peuvent pas capturer.
Mes carnets de voyage, mes croquis et mes photos me servent de mémoire visuelle. Ils apportent une profondeur et une intensité supplémentaires aux textes. Ces images traduisent ce que je ressens, et me permettent de capter l’essence d’un lieu ou d’une personne, en dehors des frontières du simple reportage.
L’image, dans ma démarche, n’est pas une simple illustration ; elle fait partie intégrante du récit. Elle s’inscrit dans une approche immersive, où la réalité n’est pas seulement racontée, mais vécue par ceux qui lisent ou qui regardent.
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Rencontrer pour comprendre.
Ce que je recherche avant tout, c’est la rencontre. Qu’il s’agisse de nature sauvage, de peuples autochtones ou d’individus vivant au cœur de sociétés souvent mal comprises, j’ai toujours voulu écouter et comprendre ceux qui sont différents, ou à qui l’on ne donne pas la parole. Chaque récit devient alors une fenêtre ouverte sur un autre monde — complexe, nuancé, parfois contradictoire, toujours digne d’attention.
Ma curiosité ne se limite pas à la surface des choses : j’explore les relations humaines, les interactions entre l’homme et son environnement, en m’intéressant particulièrement aux sociétés marginalisées, souvent ignorées par les médias traditionnels. Ce sont des récits d’invisible, de fragilité, mais aussi de résilience et d’espoir.

Rosalyne Mathias, 60 ans, écrasée par les émotions, prend un moment pour étreindre l'arbre qui a poussé à l'endroit exact où elle a fait une fausse couche, il y a 43 ans, après avoir fait un cercle de feuilles de cèdre autour de l'arbre. Après de nombreuses agressions sexuelles entre 15 et 17 ans, elle est tombée enceinte. 43 ans plus tard, elle revient sur les lieux avec l'espoir de trouver la paix. S'adressant à son enfant perdu... et à son enfance perdue. Rosalyne est depuis devenue une figure de référence pour la guérison des femmes ayant subi des violences, au sein de sa communauté.
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L’engagement du réel
Pour moi, l’authenticité est primordiale. Il ne s’agit pas de projeter une vision idéalisée ou romancée du monde, mais de représenter ce que je vois dans sa vérité, aussi crue et complexe soit-elle. Je m’engage à rendre compte du réel avec honnêteté, tout en respectant ceux que je rencontre.
Ce désir de rendre compte du monde ne se limite pas à un simple devoir de mémoire. Mon travail est également un engagement personnel pour changer les perceptions et donner la parole à ceux qui ne l’ont pas. Dans mon livre Regards croisés — qui nous emmène de l’Arctique à l’Afghanistan — il ne s’agit pas simplement de montrer des images spectaculaires, mais d’offrir un regard humain, intime et réfléchi sur des réalités souvent ignorées.
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Un style pour ressentir
Ma plume cherche à immerger le lecteur. Chaque mot, chaque phrase, est une invitation à entrer dans l’atmosphère que je décris. Mon écriture est fluide, parfois poétique, mais toujours au service du réel. Je n’écris pas pour impressionner, mais pour faire sentir ce que j’ai ressenti, pour susciter une réaction émotionnelle, et inviter chacun à voir le monde à travers mon regard.
Le récit est un pont entre l’auteur et le lecteur, un espace où l’on partage une expérience collective, vécue à travers la subjectivité de celui qui raconte, mais jamais au détriment de l’authenticité.
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Être écrivain-reporter visuel, c’est pour moi une manière d’être pleinement présent au monde. C’est une démarche d’exploration, mais aussi de compréhension et de partage. Mes récits, mes images, mes croquis, ne sont que des fragments de ce vaste monde que je cherche à saisir, avec mes propres filtres, mais aussi avec humilité.
Mon engagement, mon travail, c’est avant tout une manière de témoigner du réel — sans le juger, sans le réduire, mais en lui donnant toute la place qu’il mérite. Mon ambition est simple : faire comprendre, faire ressentir, et faire voir autrement ce qui est souvent passé sous silence en n'oubliant pas que je fais aussi partie de ce monde.
Si je pars, c’est toujours pour mieux revenir. Revenir avec des mots, des images, des liens. Revenir pour raconter ce que le monde murmure à qui prend le temps d’écouter.
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🔗 Pour aller plus loin
Sur le journalisme narratif et celui qui a été un précurseur de ce style, avant que le terme n'existe:
Découvrir le journalisme narratif
Albert Londres, journaliste exemplaire
Pour en savoir plus sur ma démarche photographique:
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