Retour au pays des esprits bienveillant
Yves (70 ans) et moi (63 ans) sommes repartis vagabonder dans l’intérieur de Quetico, chargés de notre matériel traditionnel, dont un wannigan en bois et vingt jours de nourriture. Nous avons embarqué tout cela à bord de notre canot en cèdre et canevas, un Prospector de Headwaters.
Dans les forêts du Nord, lorsque nous naviguons en canot, nous ne sommes jamais pressés d’aller d’un point A à un point B. Nos déplacements sont guidés par la météo, notre humeur et les lieux propices à monter un bon campement tout en assurant notre subsistance quotidienne grâce à la pêche. Nous ne suivons ni l’horloge ni un itinéraire rigide, mais nous nous laissons porter par le moment présent, nous déplaçant uniquement quand «le moment est venu».
Pour nous, vagabonds des forêts du Nord, le canot n’est pas un sport. Il est un moyen de transport traditionnel, à très faible impact, qui nous permet de pénétrer et de communier avec le territoire.
La première semaine, nous affrontons des températures froides (6 °C) et de la pluie. Vers la fin du voyage, la chaleur revient, accompagnée d’orages électriques intenses. Au total, nous resterons seize jours en expédition. Le wannigan traditionnel se révèle un outil pratique et surprenamment confortable à portager. Nous cuisinons toujours sur le feu et, plus de la moitié du temps, notre alimentation repose sur le poisson que nous pêchons quotidiennement.
Le film ci-dessous vient compléter notre premier voyage au pays des esprits bienveillants. Il célèbre une culture de vie immersive, où le déplacement s’effectue selon des modes primitifs sur le "Nastawgan", ce réseau ancestral de routes d’eau et de portages. Ce territoire naturel et préservé, où l’humain laisse peu de traces, est un espace où la communauté de vie s’épanouit.
Parler de "territoire sauvage" serait réducteur, car cette expression reflète une perception européenne. Les Innuat parlent de "Nutshimit" et les Anishnaabe de "Pimachiowin Aki", des termes qui expriment un territoire intérieur porteur de vie, chargé d’une profonde signification émotionnelle et culturelle qu’aucune traduction française ne saurait pleinement rendre.
Ici, il ne s’agit ni d’exploits sportifs ni de dépassement de soi face à la nature, encore moins d’un événement social et festif. Il est question de se fondre dans l’environnement et de vivre en harmonie avec lui, pour une durée que nous souhaitons la plus longue possible.
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Ce récit s’inscrit dans une approche d’écrivain-reporter visuel, alliant rigueur journalistique, écriture immersive et photographie documentaire. Chaque image, chaque texte, est né d’une expérience vécue, où j’étais non seulement témoin, mais aussi partie prenante de l’histoire.
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