Nikan et le quatrième feu

«Nikan aimait courir l’aventure. Toujours flanqué de son chien Taki, il pouvait parcourir plusieurs lieues en une seule journée. Au fil des haltes successives dans ce camp depuis sa naissance, Nikan y avait délimité ses repères. Un promontoire sur la falaise, au-dessus du camp, avait sa préférence. Il y grimpait souvent pour admirer la vue plongeante sur la rivière qui bouillonnait tout en bas. L’écho en renvoyait le chant qui se répercutait dans tout le fjord. Il appréciait, tout particulièrement, la vue panoramique sur les contreforts nantis des plus beaux arbres. Pins, mélèzes, sapins et feuillus aux couleurs chatoyantes en automne poussaient à profusion. Bordé de conifères penchés au-dessus des flots faisant torrent, le cours d’eau attirait tous les animaux des bois. De son perchoir, il pouvait les observer à loisir sans les effrayer. Combien de fois Nikan avait-il admiré ce paysage et les créatures qui l’occupaient ? Combien de plongées, au plus profond de lui-même, avait-il effectuées avant d’en apprécier l’immensité et d’en percevoir à sa juste valeur la force vitale qu’il recelait? Il avait maintenant la conviction que tout ce qui existait autour de lui était habité par un esprit l’animant. Les Anciens lui avaient enseigné que tout ce qui demeurait sur notre Terre-Mère était issu d’une même filiation et gravitait autour de la même Création. À l’image des anneaux striant le tronc de l’arbre, le cercle du monde animal, du végétal, du minéral, des forces de la nature et des rêves, celui des hommes aussi et tant d’autres mondes encore, tous avaient le même centre et faisaient partie du Tout.»

Le passage ci-dessus est un extrait du roman Nikan et le quatrième feu, écrit par Stéphane Bacon et  Claudine Feuillas, que j'ai eu le plaisir de lire.

Avec “Nikan et le quatrième feu”, Stéphane Bacon et sa conjointe Claudine Feuillas offrent une œuvre qui mêle aventure, spiritualité et transmission culturelle. Ce roman plonge ses lecteurs dans une expérience immersive de la mythologie innue, tout en étant soigneusement conçu pour parler à un large éventail de lecteurs.

Un projet collaboratif riche en nuances

Stéphane Bacon a imaginé l’intrigue du roman : le choix des lieux, le déroulement de l’action, les personnages et la majorité des dialogues sont issus de son imagination. Claudine Feuillas, quant à elle, a apporté une contribution essentielle en effectuant des recherches approfondies – historiques, culturelles, linguistiques et anthropologiques – qu’elle a intégrées dans le récit. Elle s’est également occupée de la mise en texte générale, assurant une cohésion et une fluidité au roman. Cette écriture à quatre mains confère à l’œuvre une authenticité culturelle tout en lui donnant une structure narrative fluide et accessible.

Un récit pensé pour tous les âges

Contrairement à ce que son ton pourrait laisser penser, le roman ne s’adresse pas exclusivement à un public adolescent. Fidèles à la tradition orale innue, les auteurs ont conçu l’histoire comme une expérience universelle, capable de toucher tous les âges. Dans la culture innue, les récits – qu’il s’agisse des Atanukans (récits fondateurs) ou des Tipatshimuns (légendes supposées vécues) – sont faits pour être entendus et transmis. “Nikan et le quatrième feu” s’inscrit dans cette continuité : une histoire à imaginer racontée près d’un feu, par un Aîné incarnant les personnages et transportant son auditoire dans l’aventure.

Une porte ouverte sur la mythologie innue

Le roman agit comme une initiation au monde mythologique des Innus. Grâce à son intrigue captivante et ses éléments de spiritualité, il donne envie d’en savoir plus sur cette culture et ses récits fondateurs. Ce mariage entre pédagogie et aventure permet aux lecteurs de découvrir les valeurs fondamentales des Innus, telles que le respect de la nature, la transmission des savoirs et la force de l’interconnexion entre les êtres.

Comparaison et complémentarité

L’œuvre se distingue des récits ethnographiques comme "Récits de Mathieu Mestokosho, chasseur Innu" de Serge Bouchard. Là où Bouchard rapporte les récits de Mestokosho avec une approche pragmatique, documentaire et réaliste, axée sur la vie quotidienne et les savoirs concrets d’un chasseur innu, Bacon et Feuillas s’orientent vers une fable enrichie par des recherches culturelles et anthropologiques. Ces deux visions se complètent en offrant des perspectives différentes : l’une centrée sur la réalité tangible et l’autre sur la richesse intérieure et mythologique.

Points forts :
  1. Un récit initiatique engageant: Le parcours de Nikan, entre prophéties et défis personnels, capte l’attention et invite à une réflexion sur des thèmes universels tels que le courage, la transmission et l’identité, ainsi que le respect des anciens.
  2. Accessibilité et pédagogie: Grâce à un style narratif fluide et imagé, Bacon et Feuillas parviennent à introduire les récits sacrés et les valeurs innues de manière claire, sans jamais alourdir l’histoire.
  3. Une ouverture culturelle: L’œuvre invite à une immersion dans la spiritualité autochtone, tout en restant accessible à un lectorat jeune ou novice.
  4. Une incitation à la découverte: En servant d’initiation au monde mythologique innu, le roman peut éveiller la curiosité des lecteurs, les encourageant à explorer davantage les récits et traditions de ce peuple.
Points faibles :

Le récit fantastique n'est pas mon genre de littérature préféré, bien que certains classiques comme «L'alchimiste» de Paulo Coelho ainsi que la trilogie du «Seigneurs des anneaux» sont dans ma bibliothèque depuis mon adolescence. Les éléments surnaturels du roman de Bacon et Feuillas, bien qu’enrichissants pour l’immersion, pourraient éloigner certains lecteurs recherchant une approche plus réaliste, pragmatique ou académique.

Conclusion

“Nikan et le quatrième feu” est une fable initiatique, une œuvre hybride et profondément enracinée dans la culture innue. Alliant authenticité culturelle, aventure et pédagogie, elle offre une initiation accessible et immersive au monde mythologique des Innus. Pensée comme un récit universel, elle invite les lecteurs à s’imaginer près d’un feu, suspendus aux mots d’un Aîné racontant une légende vivante, à la croisée des Atanukans et des Tipatshimuns. Grâce à la complémentarité des contributions de Stéphane Bacon et Claudine Feuillas, le roman réussit à marier fiction et transmission culturelle. Une œuvre éducative et inspirante, qui incite à aller plus loin dans la découverte de cette culture fascinante.

Une lecture bien adaptée pour Mishtuku Shuap, la cabane en bois.

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Note sur la démarche

Ce récit s’inscrit dans une approche d’écrivain-reporter visuel, alliant rigueur journalistique, écriture immersive et photographie documentaire. Chaque image, chaque texte, est né d’une expérience vécue, où j’étais non seulement témoin, mais aussi partie prenante de l’histoire.

Explorer. Comprendre. Raconter. — Ce mantra guide ma pratique depuis toujours.

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Photographie documentaire et collaborative | Journalisme narratif et écriture


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