Le temps où nos repères nous quittent

Texte: M-A Pauzé - Photo: M-A Pauzé / Vincent Pauzé

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L'art et la nature, ensemble, rendre ce monde meilleur

- Robert Redford

À 65 ans arrive ce moment de la vie où ceux qui nous ont marqué, guidé, inspiré disparaissent un après l’autre. Depuis quelques mois, nous avons perdu quatre figures qui ont façonné notre vision du monde :

Serge Fiori (24 juin) - Le poète-musicien d’Harmonium qui a donné une âme à la musique québécoise, refusant toujours de chanter en anglais même quand le marché américain s’ouvrait à lui.

Pierre Foglia (29 juillet) - Le chroniqueur qui a révolutionné l'art d'écrire sur le quotidien, ce "projectionniste de l'âme" qui savait parler "de tout et surtout de rien" avec un génie poétique unique.

René Homier-Roy (14 septembre) - Le passeur culturel incontournable du Québec, cette voix rassurante qui nous accompagnait aux aurores et qui nous a fait découvrir tant de merveilles artistiques avec sa passion contagieuse.

Ken Dryden (5 septembre) - Plus qu’un gardien légendaire, un homme complet qui incarnait l’excellence sportive et l’engagement citoyen, symbole d’une époque où nos héros transcendaient leur domaine.

Robert Redford (16 septembre) - Pas seulement une icône d’Hollywood, mais l’incarnation de ce que l’Amérique aurait pu devenir : écologiste engagé, défenseur des peuples autochtones, champion du cinéma indépendant. Il représentait cette possibilité d’une célébrité éclairée, utilisant son influence pour le bien commun.

Jane Goodall (1 octobre) – Plus qu’une primatologue, elle était une conscience universelle. Elle nous a appris à regarder le vivant autrement, à reconnaître dans les chimpanzés une part de nous-mêmes, et dans la planète un héritage fragile à protéger. Ses mots résonnent comme un avertissement : « Nous ne pouvons pas continuer ainsi. » Goodall incarnait cette rare cohérence entre la recherche, l’action et l’engagement moral. Sa disparition nous prive d’une voix féminine forte, un repère mondial qui a marqué bien au-delà des frontières scientifiques.

J’avais d’abord constaté que ces repères qui s’éteignaient étaient tous des hommes, en me demandant où étaient les voix féminines de cette époque, et pourquoi elles n’avaient pas marqué mon parcours de la même façon. Mais voilà que la disparition de Jane Goodall vient bouleverser ce constat. Elle nous laisse l’héritage d’une voix universelle, l’une des plus fortes du dernier siècle pour rappeler que notre destin est indissociable de celui de la planète vivante.

Ces départs nous rappellent que nous quittons progressivement l’époque qui nous a formés. Ils emportent avec eux non seulement des souvenirs, mais aussi des espoirs sur ce que notre monde aurait pu devenir.

Ces départs nous rappellent aussi l’importance de choisir nos repères avec discernement. Pendant que nos institutions, médias et la sphère publique se plient parfois en quatre pour blanchir l’héritage de figures qui s’attaquaient à la dignité humaine, ces hommes et cette femme nous ont montré ce que signifie utiliser son influence pour élever l’humanité plutôt que pour la diviser.

Honorer leur mémoire, c’est refuser la fausse équivalence entre ceux qui construisent et ceux qui détruisent.

C’est cela, vieillir : voir partir ceux qui nous ont donné envie de rêver plus grand. Maintenant que nos repères s’éteignent, nous voilà à avancer dans le noir avec notre petite flamme fragile, cherchant notre chemin à tâtons là où jadis la route semblait si claire. Peut-être éclairerons-nous un peu le chemin de ceux qui nous suivent.

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