La frontière Nord | Un monde inuit perturbé : Les Inuit du Canada, résidant principalement dans l'Arctique canadien, sont parmi les populations les plus touchées par les changements climatiques. Leur mode de vie, profondément enraciné dans les traditions et en étroite relation avec leur environnement naturel, est aujourd'hui confronté à des défis majeurs liés au réchauffement planétaire. Ces enjeux touchent plusieurs aspects de leur existence, notamment l’environnement, la culture, la santé et l’économie. Cliquez sur les photos pour les voir en plein écran et lire les légendes contextuelles. Pour plus d'informations, visitez la page du projet.
Pasha Annahatak gratte la graisse d’une peau de phoque avec son «ulu». La graisse sera utilisée dans la préparation des aliments et la peau servira à la confection de kamiks, les mocassins d’hiver. Les aînés gardent les activités traditionnelles en vie puisque les jeunes générations s’en désintéressent, adoptant de plus en plus le mode de vie du «Sud».
11 février 2012, Kangiqsujuaq — Peter Kiatainaq, ranger Canadien et titulaire de 6 championnats de la course en traîneaux Ivakkak fait participer de jeunes Inuit à ses entraînements. Dans les années 1950 et 1960, plus de 1000 chiens ont été abattus par des policiers envoyés par les deux gouvernements au Nunavik. L’extermination des chiens de traîneau a rendu impossible le mode de vie traditionnel nomade des Inuit et les a fait dépendre de l’aide extérieure. Cette perte a interrompu la transmission de leurs savoirs ancestraux; un traumatisme qui reste profond pour les générations actuelles. La course Ivakkak vise à célébrer la tradition et à ramener les chiens au Nunavik.
1er juillet 2014. Johnny Sam Annanack (73), un Inuk de Kangiqsualujjuaq, a servi plus de 42 ans dans l’unité des Rangers canadiens. Les Rangers canadiens sont une unité de patrouilleurs du Grand Nord. Ces réservistes ont pour mandat de surveiller le vaste territoire afin de signaler tout incident suspect. Ils agissent comme premiers répondants en menant des missions de recherche et de sauvetage. Auprès de leur communauté, ils contribuent à préserver et à transmettre leurs coutumes et traditions.
24 juillet 2012, baie d’Ungava — Johnny Sam Annanack (71), un Ranger canadien ayant plus de 40 ans de service, prépare un thé à Tommy Baron. Le groupe de Rangers de Kangiqsualujjuaq a mené l’expédition de sauvetage permettant à l’épouse de Tommy, Alice, d’être évacuée vers Kuujjuaq et Montréal. Alice s’est fait attaquer par un ours polaire la veille et c’est Tommy qui a dû tuer l’ours en le tirant à bout portant pour éviter d’atteindre son épouse. Il n’a réussi à rejoindre les secours que le lendemain matin.
Baie d’Ungava — juillet 2012 — Alice Baron a été attaquée par un ours polaire. Après qu’une équipe de recherche et sauvetage l’ait rejoint, elle a reçu des soins pour ses blessures, ainsi que les premiers traitements d’antibiotiques et d’analgésiques en attendant l’hélicoptère de sauvetage de Kuujjuaq. Le réchauffement climatique contraint les ours polaires à se rapprocher des habitations et des campements pour tenter de trouver de la nourriture. En résultent des affrontements tragiques qui devraient être amenés à se multiplier.
Baie d’Ungava — juillet 2012 — L’équipe qui a répondu à l’attaque d’un ours sur Alice Baron accueille l’arrivée de l’hélicoptère provenant de Kuujjuaq avec soulagement. Alice Baron a été attaquée par un ours polaire. Après qu’une équipe de recherche et sauvetage l’ait rejoint, elle a reçu des soins pour ses blessures, ainsi que les premiers traitements d’antibiotiques et d’analgésiques en attendant l’hélicoptère de sauvetage. Le réchauffement climatique contraint les ours polaires à se rapprocher des habitations et des campements pour tenter de trouver de la nourriture. En résultent des affrontements tragiques qui devraient être amenés à se multiplier.
Novembre 2012 — Kangiqsualujjuaq, Nunavik, Canada. Alice Annanack Baron, trois mois après l’attaque de l’ours polaire. Elle est enfin de retour chez elle après de nombreuses interventions chirurgicales sur sa main et son cuir chevelu. Elle fait encore des cauchemars et a peur de l’obscurité. Retournera-t-elle sur le territoire? Elle en doute, car elle est affectée par des symptômes de stress post-traumatique.
Campement traditionnel sur les rivages de l’estuaire de la rivière George. De nombreuses études ont montré une diminution de l’utilisation des tentes au profit de camps fixes en bois ou des cabanes. Un des facteurs expliquant cette diminution est la recherche d’une plus grande sécurité face à l’augmentation des ours polaires près des campements.
Juin 2013 - Nunavik, Nord du Québec. Selima Onalyk, 66 ans, casse de la glace de mer pour préparer du thé sur le poêle de la tente. Selima et son amie Minnie passent la plupart de leur temps dans un camp traditionnel, dans la toundra. Lorsque la glace de mer vieillit, le sel s’enfonce dans l’océan, rendant l’eau de la glace potable.
Juin 2013 - Estuaire de la rivière George — Selima Onalyk et Minnie Etok Morgan, toutes les deux dans la soixantaine, passent de nombreuses journées à leur campement traditionnel. «Les jeunes n’aiment pas être sur le territoire autant que nous, les anciens. Nous sommes nés sur la toundra et nous aimons y retourner». De nombreuses études ont montré une diminution de l’utilisation des tentes au profit de camps fixes en bois ou des cabanes. L’accessibilité à des matériaux de construction, les changements climatiques, la recherche de confort et la recherche d’une plus grande sécurité face à l’augmentation des ours polaires près des campements.
Juin 2013 - Estuaire de la rivière George — Selima Onalyk et Minnie Etok Morgan, toutes les deux dans la soixantaine, passent de nombreuses journées à leur campement traditionnel. «Les jeunes n’aiment pas être sur le territoire autant que nous, les anciens. Nous sommes nés sur la toundra et nous aimons y retourner». De nombreuses études ont montré une diminution de l’utilisation des tentes au profit de camps fixes en bois ou des cabanes. L’accessibilité à des matériaux de construction, les changements climatiques, la recherche de confort et la recherche d’une plus grande sécurité face à l’augmentation des ours polaires près des campements.
Minnie Etok Morgan examine un omble chevalier avant de le préparer en filet. Depuis des millénaires, le poisson, principalement l’omble chevalier, est au cœur de la culture, de la sécurité alimentaire et de la santé des Inuit. Certaines études suggèrent que les ombles chevaliers de mer, c’est-à-dire ceux qui vivent dans des lacs ayant un accès à l’océan et migrant vers l’océan en été, deviendraient moins nombreux. Cela pourrait avoir une incidence sur la pêche, car les poissons de mer sont plus gros et plus précieux que ceux vivant exclusivement dans les lacs.
Novembre 2012 — Quaqtaq, Nunavik, Canada. Des chiens enchaînés à des canots et aboyant d’ennui, sur le rivage de Quaqtaq, tout près de carcasses de bélugas. Quaqtaq est un village situé sur une péninsule à l’entrée du détroit de l’Hudson et était traditionnellement un haut lieu de la chasse au bélugas. Les rapports sur les captures de 2012 font état de 208 bélugas abattus dans le détroit d’Hudson au printemps et 56 à l’automne. Dans le passé, les captures les plus abondantes ont été signalées dans le détroit d’Hudson et cette tendance s’est maintenue. Les prises dans cette région représentant de 69 à 92 % des débarquements annuels totaux depuis 2005. La chasse aux bélugas est maintenant interdite dans la baie d’Ungava et réglementée par des quotas stricts dans le détroit de l’Hudson et la baie d’Hudson.
27 juin 2014, Kangiqsualujjuaq, Nunavik. Brendan Annanack Laroche, (16) revient d’une expédition de chasse aux bélugas à Quaqtaq avec son oncle David et son grand-père Johnny Sam Annanack (73). Cette expédition de chasse représente un voyage de plus de 1000 km (aller-retour) en suivant les côtes de la Baie d’Ungava. La chasse aux bélugas est maintenant interdite dans la baie d’Ungava et réglementée par des quotas stricts dans le détroit de l’Hudson et la baie d’Hudson. Au Nunavik, la chasse au béluga est très importante pour la subsistance ainsi que d’un point de vue culturel.
1er juillet 2012 - Pasha Etok découpant des morceaux de maktak. Le maktak ou muktuk est un mets traditionnel inuit constitué de la peau et du lard des baleines boréales, des narvals ou des bélugas, découpés en cubes. Il s’agit d’une riche source de vitamine C, dont l’épiderme peut contenir jusqu’à 39 mg pour 3,5 oz. Cette vitamine est cruciale dans le Grand Nord, où des maladies comme le scorbut persistent, alors que les fruits et légumes proviennent du Sud et qu’ils y sont rares. La graisse de baleine est également une source précieuse de vitamine D.
Les aînés ont dit : «Il nous faudra attendre que la mousse et les plantes poussent sur les bois de caribou au sol avant que le nombre de caribous augmente à nouveau». Les aînés prédisent des déclins cycliques après avoir vu «trop de caribous pendant trop longtemps». Les caribous se déplacent d’abord pour trouver une meilleure nourriture, mais leur abondance finit par décliner. Après des périodes de faible abondance, le lichen peut se rétablir sur une période d’environ 20 ans. Toutefois, le troupeau de la rivière George a vu une diminution drastique de 95% depuis 1993.
18 mai 2014 — L’embouchure de la rivière George gèle de plus en plus tardivement à l’automne et dégèle plus rapidement au printemps. Les changements climatiques retardent le gel des lacs et des rivières. Certains ne gelant pas complètement, ce qui a des répercussions sur la migration du caribou et des activités traditionnelles des Inuit.
6 août 2014, Kangiqsualujjuaq — Avec la marée basse, Tommy Snowball relève ses filets de pêche. Il trouve qu’il y a de plus en plus de saumons dans ses filets. Le saumon de l’Atlantique a des populations naturellement limitées dans les rivières de l’Ungava, qui est une région très nordique, proche des limites de son aire de répartition naturelle. Bien que limités, il y a des rapports anecdotiques et scientifiques indiquant que certaines rivières de l’Ungava connaissent une augmentation relative des observations de saumons. Les températures plus élevées pourraient avoir permis au saumon d’étendre son aire de distribution vers le nord, rendant certaines rivières de l’Ungava plus adaptées à la reproduction et à la migration.
6 août 2014, Kangiqsualujjuaq — Tommy Snowball a attrapé un saumon de l’Atlantique dans ses filets. Il trouve qu’il y en a de plus en plus. Le saumon de l’Atlantique a des populations naturellement limitées dans les rivières de l’Ungava, qui est une région très nordique, proche des limites de son aire de répartition naturelle. Bien que limités, il y a des rapports anecdotiques et scientifiques indiquant que certaines rivières de l’Ungava connaissent une augmentation relative des observations de saumons. Les températures plus élevées pourraient avoir permis au saumon d’étendre son aire de distribution vers le nord, rendant certaines rivières de l’Ungava plus adaptées à la reproduction et à la migration.
Novembre 2014 - Estuaire de la rivière George. Chasseurs inuits patrouillant dans l’estuaire à la recherche de phoques. La chasse aux phoques reste stable et cette viande reste l’aliment le plus populaire et le plus sain, physiquement et psychologiquement.
Estuaire de la rivière George. Chasseur inuit.
Felix St-Aubin, petit fils d’un Maître-chasseur de sa communauté, participe à son tour à la transmission du savoir. La chasse est le vecteur principal pour la transmission du savoir ancestral et la préservation de la culture. Les jeunes générations ont des difficultés à acquérir les techniques de chasse et les valeurs culturelles transmises depuis plus de 5 000 ans. Au cours des trois dernières décennies, la glace pluriannuelle, la glace la plus épaisse (et la plus ancienne) qui soutient l’écosystème marin de l’Arctique, a diminué de 95 %. Les anciens ne peuvent plus prédire des itinéraires sûrs sur la glace qui s’amincit, et les schémas de migration des animaux changent. L’avenir de la glace et de ceux qui y vivent est incertain.
Mai 2012 — Un hélicoptère de la firme d’ingénierie géologique Geo-Tech survole le village d’Aupaluk afin de détecter et cartographier les zones riches en nickel à l’aide d’un système électromagnétique. Les industries, comme l’exploration minière ou pétrolière, souvent encouragées par le dégel du pergélisol, suscitent des controverses sur leurs impacts environnementaux et sociaux.
16 mai 2012 - Aupaluk, Nunavik. Au cours des décennies, les activités minières ont laissé des tonnes de déchets. Les barils finissent par rouiller et leur contenu se déverse dans l’environnement. L’Administration régionale Kativik a mis un projet sur pied de réparer les dégâts laissés par les compagnies minières au cours des décennies.
Juillet 2012 - Kangiqsualujjuaq, Nunavik. Jeune Inuk en séance d’inhalothérapie dans un portique du dispensaire lors d’une éclosion de tuberculose. De novembre 2011 à août 2012, le village de Kangiqsualujjuaq a connu 89 cas de tuberculose active ou potentiellement active (45 cas) au sein de sa population d’à peine 874 habitants. C’est plus de 10 % des habitants. Il existe des liens indirects, mais significatifs entre le réchauffement climatique et la recrudescence des éclosions de tuberculose (TB) au Nunavik et dans d’autres régions arctiques habitées par les Inuit.
22 juillet 2012. Feu de toundra près de Kangiqsualujjuaq, Nunavik. Les changements climatiques menacent la toundra dans son ensemble, puisque le paysage en lui-même, et les espèces qui l’habitent pourraient changer en raison de la fonte du pergélisol, de la glace permanente, de l’assèchement des étangs et de changements dans la synchronisation de la reproduction des espèces animales et de la disponibilité des proies. La fonte du pergélisol libérera des tonnes de gaz carbonique dans l’atmosphère. Les changements de températures seront de plus en plus à l’origine d’une augmentation des feux de toundra dus à l’assèchement de la végétation, à l’augmentation des orages, et l’arrivée d’espèces typiquement méridionales qui trouveront un nouvel habitat dans l’Arctique réchauffé.
5 septembre 2013, Kangiqsualujjuaq. Kenny Argnatuk, un maître-chasseur, aide Jason Annanack, un jeune chasseur de 19 à dépecer un ours polaire s’étant aventuré dans le village.
5 septembre 2013, Kangiqsualujjuaq — Jason Annanack, 19 ans, a traqué et tué un ours polaire, son premier, qui s’était aventuré dans le village. Aidé de son grand-père et de Kenny Argnatuk, un maître-chasseur, il dépèce l’animal pour offrir la peau à sa marraine. Une vieille tradition veut que la peau du premier ours d’un chasseur doive être remise à la personne, souvent la marraine, l’ayant mis au monde. Les changements climatiques ont entraîné une diminution de la banquise, habitat principal des ours polaires. Cela force ces derniers à passer plus de temps sur terre, où ils se rapprochent des campements humains et des villages, à la recherche de nourriture.
25 septembre 2013, Kangiqsualujjuaq — Mary Itullak dépèce un phoque tout en mangeant du foie cru avec un groupe de femmes du village. Les espèces comme le phoque, l’ours polaire ou le caribou, centrales à l’alimentation et à la spiritualité des Inuit, voient leurs habitats menacés. Pour le moment, la chasse aux phoques reste stable et cette viande reste l’aliment le plus populaire et le plus sain, physiquement et psychologiquement.
Les femmes de la communauté de Kangiqsualujjuaq dépècent un phoque et initient les jeunes au goût du foie cru. Si les jeunes garçons se prêtent à l’exercice, les jeunes filles sont beaucoup plus réticentes à les suivre.
Un chasseur et son épouse reviennent de leur campement sur une île de la baie d’Ungava. La glace marine, essentielle pour les déplacements traditionnels en traîneau ou à motoneige, devient instable. Cela complique l’accès aux zones de chasse et de pêche, des activités vitales pour la subsistance et la culture inuite. Circuler sur la banquise est de plus en plus difficile.
Décembre 2012 — Quaqtaq, Nunavik, Canada. L’homme et son chien de tête. Johnny Argnatuk nourrit ses chiens le soir. Il les entraîne depuis 5 ans pour participer à la course Ivakkak. L’année précédente, il n’a pas eu de bons résultats, car son équipe était trop jeune. Il espère que son chien de tête, Kajuk (le brun), sera prêt cette année. Dans les années 50 et 60, plus de 1000 chiens ont été abattus par des policiers envoyés par les deux gouvernements au Nunavik à l’époque. L’extermination des chiens de traîneau a rendu impossible le mode de vie traditionnel nomade des Inuit et les a fait dépendre de l’aide extérieure. Cette perte a interrompu la transmission de leurs savoirs ancestraux; un traumatisme qui reste profond pour les générations actuelles. La course Ivakkak vise à célébrer la tradition et à ramener les chiens au Nunavik.
11 juillet 2012 - Kangiqsualujjuaq, Nunavik. Couple d’Inuit regardant le soleil se coucher sur la baie d’Ungava. Face au réchauffement climatique et à la disparition des savoirs traditionnels, les communautés inuites de l’Arctique canadien s’efforcent de s’adapter.